Règles dans les sports : pourquoi y en a-t-il autant ?

Imposer le blanc sur tous les terrains : voilà une singularité qui en dit long sur la manière dont certaines disciplines envisagent encore le sport féminin. Des fédérations persistent à imposer des uniformes immaculés, sans mesurer l’impact sur les athlètes qui, chaque mois, doivent composer avec la crainte de la tâche visible ou de l’inconfort. Plusieurs sportives de haut niveau ont fini par adapter leur préparation physique, parfois au point de renoncer à des compétitions, faute de solutions concrètes ou d’un accompagnement digne de ce nom.

Dans la réalité, rares sont les clubs à proposer des protocoles précis pour accompagner les sportives pendant leurs menstruations. Le sujet hante les vestiaires, mais il s’invite rarement dans les discussions officielles. Ce silence pèse lourd : il fragilise la confiance, nuit à la santé, sape la performance. De plus en plus d’athlètes réclament qu’on les écoute et qu’on prenne enfin leur expérience au sérieux.

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Pourquoi les règles restent un tabou dans le sport ?

Parler des règles dans le sport, c’est heurter des murs invisibles. Longtemps, le cycle menstruel n’a été qu’un mot chuchoté, jamais débattu, jamais mis sur la table. Dans les vestiaires comme dans les réunions techniques, la gêne s’impose, écrase toute envie de s’exprimer. Les sportives, tous sports confondus, apprennent à avancer sans bruit, lestées par la gêne et l’absence de dialogue.

Le tabou ne s’explique pas, il s’entretient. Même en France ou en Angleterre, pays moteurs pour transformer les règles du jeu, la question des menstruations reste sur le banc de touche. Les principales fédérations, de la Fifa aux ligues nationales, ne l’affichent dans aucun document officiel. Les arbitres, les coachs, parfois démunis, préfèrent détourner le regard. Sur les feuilles de match comme lors des jeux olympiques, le mot « règles » demeure absent.

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Ce silence s’alimente d’une double pression : celle du public, qui attend des exploits sans faille, et celle, plus insidieuse, de la compétition elle-même, où la moindre faiblesse semble inavouable. Pourtant, sur le terrain, la crainte de la tâche ou du malaise ne s’efface pas d’un coup de sifflet. Dans l’ombre, entre coéquipières, la solidarité s’organise, parfois à demi-mot. Mais la réalité physiologique ne disparaît jamais.

Derrière les portes des vestiaires, la confidence se murmure. Sur la ligne, chaque joueuse ajuste sa tenue en anticipant, toujours. Aucun règlement, aucun code ne s’est jamais vraiment soucié de leur vécu. Le sport, reflet de la société, hésite encore à sortir de cette impasse.

Paroles de sportives : entre gêne, adaptation et solidarité

Dans le vestiaire, parler du cycle menstruel relève souvent du défi. Pourtant, l’expérience du corps marque autant que les séances intensives. Charlotte Bonnet, nageuse, raconte la fatigue et les crampes qui viennent bousculer la recherche du chrono parfait. Pauline Ferrand-Prévot, cycliste, vit chaque étape du Tour de France féminin selon le rythme de son cycle : la performance ne s’adapte pas, il faut s’ajuster, malgré la douleur ou le regard des autres.

Sarah Ourahmoune, boxeuse, souligne la force du lien entre sportives. Les astuces circulent en silence : choisir le bon équipement, prévoir plus de protections, anticiper la fatigue du syndrome prémenstruel avant une finale. Mais la gêne ne disparaît pas si facilement. Fu Yuanhui, nageuse chinoise, avait osé évoquer publiquement ses règles après une finale aux Jeux de Rio. Geste rare, salué par beaucoup.

Voici quelques pratiques qui s’imposent peu à peu, parfois encore dans l’ombre :

  • Adapter l’entraînement au fil du cycle menstruel : prendre en compte la fatigue, la douleur, la concentration variable.
  • Partager, même discrètement, avec les coéquipières pour alléger le poids du non-dit.
  • Écouter les signaux du corps, même lors d’événements majeurs comme les Jeux ou Roland-Garros.

Selon la gynécologue Carole Maitre, référente à l’Insep, les choses évoluent, mais lentement. Les programmes d’entraînement restent trop souvent sourds à cette réalité, alors qu’une meilleure prise en compte du cycle pourrait changer la donne pour des centaines d’athlètes. Qu’elles soient championnes ou joueuses anonymes, toutes revendiquent le droit de pratiquer leur sport sans avoir à masquer une part d’elles-mêmes.

Des conséquences bien réelles sur la performance et le bien-être

Douleurs, fluctuations hormonales, fatigue, irritabilité : le quotidien des sportives ne fait pas de pause. Qu’elles pratiquent la natation, l’athlétisme ou le football, la compétition ne laisse aucun répit. Les récits de Charlotte Bonnet et de Pauline Ferrand-Prévot en témoignent : le cycle menstruel s’invite dans la préparation, la récupération, la gestion du stress. À l’INSEP, les experts observent que l’adaptation des entraînements reste marginale, alors même que l’influence des règles sur la performance sportive se confirme de plus en plus.

En compétition, chaque détail peut faire basculer le résultat. La douleur peut casser un sprint, la fatigue brouille la lucidité, le stress se fait plus lourd. Lors de grands rendez-vous, certaines sportives ont été forcées d’ajuster leur préparation, voire de changer de rôle ou de discipline, pour tenir compte de leur état du moment. D’autres témoignent de troubles digestifs ou d’une énergie en chute libre, qui les empêchent d’être à la hauteur de leurs ambitions.

Face à ces constats, des marques comme Nike commencent à s’engager : elles travaillent sur des équipements qui prennent enfin en compte les besoins liés au cycle menstruel. Pourtant, la majorité des programmes, en France comme à l’étranger, font encore l’impasse sur cette variable. Les études menées à l’INSEP ou au Qatar le montrent : ignorer l’impact des règles, c’est refuser à des générations de sportives la possibilité d’atteindre leur meilleur niveau, dans la durée et la sérénité.

règles sport

Ouvrir la discussion : vers un sport plus inclusif et décomplexé

Peu à peu, la parole se fait entendre autour des règles dans le sport. Les clubs s’interrogent, les fédérations mettent la question sur la table, les entraîneurs s’informent. L’éducation menstruelle trouve sa place dans les séances, loin des non-dits des vestiaires d’hier. À Paris, à Cambridge, dans les écoles anglaises, l’heure est à l’adaptation : ajuster les charges, modifier les plannings, donner la parole aux joueuses, aux arbitres, aux staffs techniques.

Des fédérations comme la FIFA s’emparent du sujet. La question des tenues, des couleurs, du calendrier des compétitions : tout devient matière à discussion. En Angleterre, certains clubs proposent déjà des shorts ou des équipements repensés pour réduire la crainte de la tâche. À l’échelle locale, des entraîneurs adaptent les séances pour mieux accompagner le cycle menstruel de leurs sportives.

L’avancée est lente, mais elle progresse. Les clubs investissent dans la sensibilisation, organisent des ateliers, misent sur la solidarité. Le tabou perd du terrain, porté par une nouvelle génération qui refuse de se contenter de la discrétion. Voici quelques pistes qui s’imposent désormais dans la réflexion collective :

  • Éducation des staffs et transmission d’informations aux plus jeunes
  • Dialogue ouvert pour évoquer les besoins spécifiques à chaque sportive
  • Adaptation concrète des équipements et du calendrier sportif

Chaque initiative, chaque mot échangé, chaque ajustement dans la pratique quotidienne rapproche le sport d’un environnement où chaque athlète, enfin, pourra viser l’excellence sans avoir à dissimuler ce qui la rend unique. Le terrain de demain sera celui où la performance ne se discute plus à huis clos, mais s’affirme, libérée de tout non-dit.